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Actualités vétérinaires et scientifiques

Fièvre hémorragique de Crimée-Congo : première détection du virus dans des tiques collectées dans des élevages de bovins des Pyrénées-Orientales

Le virus de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo a été détecté pour la première fois en France dans des tiques de l'espèce Hyalomma marginatum collectées sur des bovins élevés dans les Pyrénées-Orientales. Dans un article de la "Dépêche vétérinaire", Michel Jeanney rappelle que jusqu'ici, dans l'Hexagone, il n'avait été détecté que de façon indirecte par la présence d'anticorps chez des ongulés domestiques et sauvages, laissant penser que ces animaux avaient été exposés sur notre territoire.

Article de Michel Jeannzey dans "La dépêche vétérinaire" en date du lundi 30 octobre 2023

https://depecheveterinaire.com/fievre-hemorragique-de-crimee-congo-premiere-detection-du-virus-dans-des-tiques-collectees-dans-des-elevages-de-bovins-des-pyrenees-orientales_679B538B3F70AD6E.html?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=instantanee

Michel JEANNEY

SANTÉ PUBLIQUE 

Le virus de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo a été détecté pour la première fois en France dans des tiques de l'espèce Hyalomma marginatum collectées sur des bovins élevés dans les Pyrénées-Orientales. Jusqu'ici, dans l'Hexagone, il n'avait été détecté que de façon indirecte par la présence d'anticorps chez des ongulés domestiques et sauvages, laissant penser que ces animaux avaient été exposés sur notre territoire.  

Une équipe du Cirad* vient de mettre en évidence la présence du virus de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo (FHCC) dans des tiques de l'espèce Hyalomma marginatum collectées sur des bovins élevés dans les Pyrénées-Orientales, a alerté le Cirad le 25 octobre. C'est la première détection de ce virus en France.

Jusqu'ici, dans l'Hexagone, il n'avait été détecté que de façon indirecte par la présence d'anticorps chez des ongulés domestiques et sauvages, laissant penser que ces animaux avaient été exposés sur notre territoire.  

Aucun cas humain autochtone

Aucun cas humain autochtone en revanche n'a encore été diagnostiqué sur le territoire.

Depuis 2015 en effet, le Cirad, dans le cadre d'une convention avec la Direction générale de l'alimentation, étudie et surveille la tique Hyalomma marginatum, un des vecteurs avérés du virus de la FHCC. 

Les études portent notamment sur son aire de répartition, son historique d'invasion en France, sa dynamique saisonnière, ses hôtes, son portage d'agents infectieux. L'objectif est d'évaluer les risques associés à ce vecteur et aux maladies qu'il est susceptible de transmettre. 

Chaque année, au printemps, des collectes de tiques sont effectuées dans des structures équestres et des élevages bovins. Cette année, pour la première fois, une centaine de tiques sur plus de 2 000, collectées en 2022 et surtout en 2023 au printemps, se sont révélées positives à la présence du virus de la FHCC. 

Ces résultats ont été confirmés en octobre par le Centre national de référence pour les fièvres hémorragiques virales (FHV) de l'Institut Pasteur. 

« Nos collectes ont montré que la tique se répartissait sur l'ensemble du pourtour méditerranéen, dans des habitats naturels ouverts plutôt secs tels que la garrigue ou le maquis. D'après les modèles climatiques futurs, le climat méditerranéen risque de s'étendre, en particulier dans la vallée du Rhône, et sur la côte atlantique à l'ouest, il est probable que l'aire de répartition de cette espèce s'étende », explique notre consoeur Laurence Vial, acarologue au Cirad et spécialiste des tiques.

Santé publique France, qui relaie aussi l'information de cette première détection sur son site Internet, explique que, originaire d'Afrique et d'Asie et introduite principalement par les oiseaux migrateurs en provenance d'Afrique, la tique Hyalomma marginatum est présente depuis plusieurs décennies en Corse et a été détectée à partir de 2015 par le Cirad sur le littoral méditerranéen. 

« Actuellement, il n'existe pas en France de surveillance active des tiques à l'échelle nationale, quelle que soit l'espèce », souligne l'organisme. « Cette surveillance était recommandée par l'Anses** dans son avis de mai 2023 » (lire DV n° 1668).

Cas humains en Espagne

Le Cirad précise que « la fréquence de piqûre à l'Homme est supposée faible, ces tiques n'ayant pas d'appétence particulière pour les êtres humains ». De plus, elles sont généralement plus visibles que d'autres espèces de tiques car un peu plus grosses : il est donc plus facile de les repérer et de les retirer avant qu'elles ne se fixent et se gorgent. 

Le virus de la FHCC (de la famille des Nairovirus) peut également se transmettre à l'humain par contact avec des fluides corporels, comme le sang, avec des animaux infectés, en sachant que ces derniers ne restent virémiques qu'une dizaine de jours avant de développer une réponse immunitaire (avec une persistance à vie des anticorps).

« En Espagne, le virus FHCC avait été détecté dans des tiques du genre Hyalomma quelques années avant l'apparition de cas humains. Actuellement, un à trois cas humains de fièvre hémorragique sont rapportés chaque année dans ce pays. Toutefois, dans ce pays, c'est une autre espèce de tiques qui est considérée comme le vecteur majoritaire : Hyalomma lusitanicum. En France, la distribution de cette espèce de tique est encore inconnue et nécessite d'être étudiée. Nous sommes peut-être face à un cycle épidémiologique différent, d'où notre prudence à réaliser des comparaisons hâtives entre le cas de l'Espagne et celui de la France », précise Laurence Vial.

Taux de létalité de 5 à 30 %

« Chez l'être humain, l'infection par le virus de la FHCC reste le plus souvent asymptomatique ou pauci-symptomatique », précise Santé publique France. Toutefois le virus peut être responsable d'une fièvre hémorragique, qui peut être sévère avec un taux de létalité de 5 à 30 %. 

Généralement, les symptômes apparaissent de façon brutale et correspondent principalement à de la fièvre, des myalgies, des troubles digestifs, des vertiges, une raideur et des douleurs de la nuque, des douleurs dorsales, des céphalées, une sensibilité des yeux et une photophobie. Dans les cas sévères, ces symptômes peuvent être suivis par une hémorragie, un choc et une défaillance multiviscérale. 

La maladie est endémique en Afrique, y compris en Afrique du Nord, en Asie, et particulièrement fréquente dans certaines régions en Turquie. Elle est également présente dans certains pays d'Europe de l'Est. ■

* Cirad : Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement. 

** Anses : Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnent et du travail.