Depuis le début de la pandémie, des foyers importants de Covid-19 se sont déclarés chez les employés des abattoirs industriels (notamment de volailles et de porcs) de plusieurs pays dont la France, l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Irlande, l’Australie, le Royaume-Uni, les États-Unis, le Canada et le Brésil. Comme c’est le cas pour le foyer récent survenu en Allemagne dans le plus gros abattoir de porcs d’Europe, affectant près de 1500 personnes sur les 6139 que compte l’établissement, l’infection touche en priorité des salariés étrangers, plus vulnérables du fait de leur situation précaire.
L’origine de la contamination est humaine et ne concerne pas les animaux abattus. Il a été démontré expérimentalement que les porcs et les volailles étaient résistants au Sars-CoV-2. De même, la viande ne présente aucun danger avéré de contamination pour le consommateur.
Les facteurs environnementaux favorisent le développement des foyers de Covid-19 dans les abattoirs. L’atmosphère des locaux d’abattage et de découpe est froide et humide, avec peu de lumière naturelle. La survie et la propagation du virus sont favorisées par les systèmes de ventilation et de nettoyage par eau pressurisée. Le port permanent du masque est difficile, surtout dans ces espaces clos où le niveau sonore impose souvent de se rapprocher et de hausser le ton pour échanger entre collègues, ce qui favorise la transmission virale par gouttelettes de salive. Dans les ateliers de désossage et de découpe, où les températures de travail sont souvent basses (4°C à 10°C), la vapeur d’eau dégagée par la respiration des salariés entraine une condensation rapide et une humidification des masques qui nuit à leur capacité de filtration. Enfin, les conditions de promiscuité rendent difficile le respect d’une distanciation physique, tant aux vestiaires que sur la chaîne de travail ou lors des pauses.
Les facteurs socio-économiques jouent un rôle important dans le risque de Covid-19. Dans les grands abattoirs, la diversité des langues et des cultures liée à l’embauche de travailleurs étrangers complique la mise en oeuvre des mesures de biosécurité. Il s’agit souvent d’étrangers recrutés en sous-traitance et de personnes vivant dans des conditions précaires (hébergements collectifs avec forte densité humaine, logements précaires de familles nombreuses, où la promiscuité accroît les risques de contagion). Les moyens de déplacement de ces salariés (bus, covoiturage) favorisent la diffusion du virus, à l’intérieur comme à l’extérieur des établissements.
L’Académie nationale de médecine et l’Académie vétérinaire de France recommandent :
- d’intégrer le personnel des abattoirs dans un programme national de dépistage de la Covid-19 parmi les personnes en situation de précarité [1] ;
- de renforcer la surveillance médicale du personnel des abattoirs ;
- de renforcer le contrôle des conditions de travail et le respect des mesures de prévention, selon l’instruction conjointe du Ministère du travail et du Ministère de l’agriculture et de l’alimentation [2]. Ces contrôles doivent viser en priorité les équipements de protection individuels, les moyens de distanciation physique, les conditions d’hébergement collectif des personnels en contrat précaire ;
- de renforcer le contrôle par les services vétérinaires des règles d’hygiène s’appliquant au personnel, aux locaux, aux matériels et aux manipulations.
[1] La précarité́ : un risque majoré de Covid-19 Communiqué de l’Académie nationale de médecine et de l’Académie nationale de pharmacie 21 juin 2020
[2] Communiqué de presse de l’Académie Vétérinaire de France N°10. Recommandations sur la protection de la chaîne alimentaire : Le cas particulier des établissements d’abattage. 30 avril