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Articles publiés ou sélectionnés par des académiciens

" Bien-être et bientraitance animale ", un article de Jean-Luc Angot et de Serge, Georges Rosolen dans le "Bulletin de l'Académie nationale de médecine"

Résumé:

La protection animale est une préoccupation sociétale croissante. Elle est étroitement liée au bien-être humain, c’est pourquoi émerge le concept One Welfare/Un seul bien-être, partie intégrante de celui de One Health/Une seule santé. Il s’agit d’un sujet complexe, notamment du fait de la grande diversité des espèces animales et de leurs statuts. La réglementation européenne en matière de bien-être animal est en cours de révision.

© 2024 l’Académie nationale de médecine. Publié ́ par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

 

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Le syndrome d’Ekbom doit être connu par les vétérinaires et les assistants spécialisés vétérinaires

Un article de Mohamed Gharbi dans la "Revue vétérinaire clinique"

Ekbom syndrome should be known by veterinarians and veterinary nurses

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https://doi.org/10.1016/j.anicom.2023.09.002Get rights and content

Résumé

Le syndrome d’Ekbom est un syndrome de délire parasitaire relativement rare chez les humains durant lequel le patient a une conviction inébranlable d’être infesté par des parasites sur son corps ou dans sa peau. Il ressent la présence des parasites et peut chez certaines personnes, les entendre ou les voir. De par son exposition aux parasites et son contact avec les propriétaires d’animaux, le vétérinaire doit connaître ce syndrome pour pouvoir orienter vers leur médecin,les personnes suspectes d’être atteintes de ce syndrome. Il peut s’agir du vétérinaire lui-même, d’un de ses collaborateurs, d’un propriétaire ou de personnel travaillant dans des collectivités d’animaux tels que les chenils, les chatteries ou les refuges.

Summary

Ekbom syndrome is a parasitic delirium which is relatively rare in humans where the patient has an unwavering conviction to be infected by parasites on his body or his skin. He feels the presence of parasites and for some persons, hear and even see them. The practitioner is exposed to these parasites and is in contact with pet owners, he should know this syndrome to direct the suspected persons of this syndrome to see their medical doctors. It could be the practitioner itself, one of his collaborators, a pet owner or the personnel working in pet collectivities such as kennel, catteries and refuges.

Mots clés

Délire

Parasite

Syndrome d’Ekbom

Vétérinaire

Keywords

Delirium

Parasite

Ekbom syndrome

Veterinarian

Introduction

Le médecin vétérinaire est un praticien qui, contrairement aux médecins humains, pratique la médecine par personne interposée. Sa méthode de travail rappelle celle des pédiatres où les parents sont l’interface entre le médecin et le patient. La relation triangulaire vétérinaire – animal de compagnie – propriétaire est une relation singulière dans laquelle le propriétaire est à la fois le protecteur de l’animal et de son propriétaire mais parfois aussi une victime suite à la transmission de plusieurs agents zoonotiques depuis son animal. Parmi ces zoonoses, le propriétaire peut être infesté par des parasites qu’ils soient internes (toxoplasmes, diverses espèces d’helminthes…) ou externes (puces, tiques, poux, Cheyletiella). Ce groupe de parasites se transmet plus facilement à la suite des fréquents contacts animal de compagnie – Homme. Ce dernier a une peur ancestrale des parasites car ils induisent des maladies parfois graves, transmettent des agents pathogènes, sont reliés au manque d’hygiène mais aussi du fait de leur aspect répugnant (mouvements des parasites, aspect gluant des vers, présence de plusieurs appendices chez les arthropodes…). Parfois, cette peur induit une fausse sensation d’infestation par les parasites qui peut avec le temps, évoluer en une psychose. C’est le syndrome d’Ekbom dont souffre environ 100 000 Américains [1]. Dans le cadre de la vision « Une seule santé » avec le triptyque, santé humaine – santé animale – santé environnementale, le vétérinaire doit être au courant de cette maladie humaine dans laquelle il peut être amené à jouer un rôle à plusieurs niveaux. Nous présentons dans le présent article une synthèse bibliographique sur quelques aspects du syndrome d’Ekbom.

C’est quoi le syndrome d’Ekbom ?

Le syndrome d’Ekbom admet plusieurs dénominations, il est connu sous le nom de psychose parasitaire, infestation imaginaire par les insectes ou les acariens, syndrome illusoire…

C’est un délire psychotique chronique encore peu connu et de découverte relativement récente (Encadré 1). Il est actuellement classé dans le groupe des troubles délirants non schizophréniques. Ce délire est rare, il est monothématique se traduisant par une conviction inébranlable chez le patient d’être infesté par des parasites. Le syndrome d’Ekbom est considéré par certaines écoles de psychiatrie comme étant une névrose, d’autres comme une psychose, cette dernière classification est de plus en plus admise [2]. Le syndrome d’Ekbom peut être contagieux c’est-à-dire, que la personne atteinte le transmet à son entourage, généralement le conjoint. En passant d’une personne à une autre, il aboutit à une « folie à deux », voire à une « folie à trois ». Curieusement, ce syndrome disparaît chez la deuxième personne affectée si elles sont toutes les deux séparées [3]. Le syndrome d’Ekbom apparaît à tout âge mais il est plus fréquent chez le sujet adulte et vieux de sexe féminin [4]. L’isolement social est considéré comme le principal facteur de risque du syndrome d’Ekbom, mais il existe plusieurs autres facteurs notamment un historique d’infestation parasitaire réelle (Fig. 1).

Encadré 1

Historique du syndrome d’Ekbom.

Qui a décrit en premier ce syndrome ?

Georges Thibierge (1856–1926) fut dermatologue français, membre de l’Académie de médecine et de plusieurs sociétés savantes françaises et étrangères. Il fut le premier en 1894 à décrire ce syndrome chez des personnes persuadées d’être infestées par les agents de gales. Il qualifia alors ce syndrome d’acarophobie. Il différencia ce syndrome de la parasitophobie secondaires (qui est un syndrome consécutif à une parasitose cutanée confirmée) et la parasitophobie primitive (qui est une peur pathologique des parasites).

Qui est Ekbom ?

Karl Axel Ekbom (1907–1977) fut médecin neurologue suédois, il rapporta en 1938 sept observations d’un syndrome qu’il appela « délire dermatozoïque » et considéra comme une entité nosologique à part [8] (Fig. 1).

Entre ces deux auteurs, en 1928, McNamara et deux ans après, Mallet et Male étudièrent cette entité nosologique. Encore deux ans après, Borel et Ey rapportèrent deux cas du même syndrome traités par des psychotropes avec succès.

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Figure 1. Première page de l’article d’Ekbom (1938) [8] sur le délire dermatozoïque.

Quelles expressions cliniques du syndrome d’Ekbom ?

Le tableau clinique du syndrome d’Ekbom est très polymorphe (Encadré 2). Durant les cours de parasitologie, les vétérinaires peuvent manifester ce syndrome de manière très passagère. Cette impression d’être parasité est accompagnée d’une envie incoercible de se gratter qui s’estompe peu de temps après la séance du cours de parasitologie. Il ne s’agit vraiment pas d’un syndrome d’Ekbom, c’est une sensation de parasitose transitoire et très fruste.

Encadré 2

Le syndrome d’Ekbom en chiffres.

 

  • Première description du syndrome : Georges Thibierge en 1894.

  • Âge moyen du début du syndrome : 64 ans.

  • Âge moyen des patients : 57 ± 14 ans.

  • Sex-ratio des patients : 2,8 femmes pour un homme.

  • Nombre estimé de personnes atteintes du syndrome aux États-Unis d’Amérique : 100 000.

  • Incidence annuelle : 0,3/1000.

  • Patients consultant seuls : 2/3.

  • Folie à deux : 15–25 % des cas de syndrome d’Ekbom.

  • Signe de la boîte d’allumette : 54 % des patients.

  • Troubles sensoriels (visuels et auditifs) : 56 %.

  • Isolement social du patient : 53 % des patients.

  • Syndrome d’Ekbom secondaire à une autre maladie : 60 % des cas.

 

À côté de cette forme, certaines personnes développent un syndrome plus grave et en intensité et en persistance. Ces personnes croient qu’elles sont infestées par des parasites, des insectes, des acariens ou des vers invisibles.

Le patient souffre d’hallucinations cénesthésiques, il ressent les parasites grouiller, migrer sous la peau donnant une sensation de reptation et/ou une sensation de brûlure. Le patient change de vêtements assez souvent, s’applique des désinfectants et des insecticides, parfois à de très fortes concentrations et induisant ainsi des lésions cutanées plus ou moins étendues et intenses. Le patient présente des hallucinations visuelles et tactiles [1], il ressent alors un prurit le plus souvent incoercible à l’origine de lésions cutanées parfois profondes qui s’infectent donnant des pyodermites et rendant ainsi le tableau clinique déroutant pour le dermatologue. Ces sensations peuvent être associées à des hallucinations auditives, le patient entend les parasites [5].

Le patient tombe dans une errance diagnostique voire du nomadisme médical sans fin durant laquelle il essaye de convaincre ses proches et son médecin de la véracité de son infestation parasitaire, il ramène à son médecin des tissus (nous avons reçu au laboratoire une personne qui nous a ramené un oreiller entier), des débris dans des boîtes… c’est le « syndrome de la boite d’allumette » ou « syndrome du sac Ziploc » ou « signe du spécimen ».

Les personnes atteintes du syndrome d’Ekbom finissent par se sentir mal comprises et négligées, elles perdent l’estime de soi et tombent dans certains cas, dans un état dépressif [3]. Certains patients finissent par quitter leur travail, brûler leurs meubles, appliquer de grandes quantités d’insecticides et désinfectants dans leur domicile et sur leur corps. D’autres quittent leur domicile, voire menacent de le brûler [6].

Quel est le diagnostic différentiel du syndrome d’Ekbom ?

Il est très important de faire la différence entre le syndrome d’Okbom et le syndrome de pseudo-illusion (pseudo-delusory syndrome). Ce dernier est un état d’infestation parasitaire réel qui est classé à tort en tant que syndrome d’Ekbom alors que le patient souffre vraiment d’une infestation parasitaire. Les humains peuvent être atteints par plusieurs parasitoses prurigineuses telles que la gale (infestation par Sarcoptes scabiei), la phtiriose (infestation par Pediculus humanus humanus, appelé aussi P. h. corporis, Pediculus humanus capitis et Phtirus pubis), la pulicose (infestation par la puce de l’Homme et les différentes espèces de puces des animaux), l’infestation de la maison par les punaises du lit, les faux-poux des volailles… (Tableau 1).

Tableau 1. Liste non exhaustive des principaux ectoparasites stationnaires et permanents à l’origine de prurit chez l’Homme. Les agents de mycoses n’ont pas été listés dans le présent tableau.

ClasseFamilleNom vernaculaireGenre et espèceOrigine du parasiteMéthodes diagnostiques
Parasites spécifiques de l’Homme
 ArachnidaSarcoptidaeSarcopteSarcoptes scabiei var hominisHommeRaclage cutané
 InsectaPediculidaePou du corpsPediculus humanus humanus (Syn. P. h. corporis)HommeRecherche des lentes et des poux adultes
 Pou de la têtePediculus humanus capitisHomme 
PulicidaePuce de l’HommePulex irritansHommeRecherche des puces adultes
PhtiridaePou du pubis ou morpionPhtirus pubis (syn. Phtirius inguinalis)HommeRecherche des lentes et des poux adultes
Parasites des animaux
 SecernenteaAncylostomidaeAnkylostomes (ou ancylostomes)Ankylostoma spp. (syn. ancylostoma spp.)Carnivores, notamment le chienRecherche des larves dans les lésions
 ArachnidaDermanyssidaeFaux pou des volaillesDermanyssus spp. et autres genres tel que Ornithonyssus sppOiseauxRecherche des adultes dans les locaux, notamment les locaux d’élevage
SarcoptidaeSarcopteSarcoptes scabiei (plusieurs sous-espèces)Ruminants, équidés, lapins, chien, exceptionnellement chatRaclage cutané
Cheyletiellidae,Mite du corpsCheyletiella yasguri
 
Chien
 
Scotch test
   Cheyletiella blakeiChat 
   Cheyletiella parasitovoraxLapin 
InsectaPulicidaePuce du chien
 
Ctenocephalides canis
 
Carnivores, surtout le chien
 
Recherche des puces adultes
 
 Puce du chatCtenocephalides felisCarnivores, surtout le chat 
 Puce du ratXenopsylla cheopisSurmulots 
TrichodectidaePou du chienTrichodectes canisChienRecherche des lentes et des poux adultes
Parasites communs à l’Homme et aux animaux
 SecernenteaStrongyloididaeAnguillulesStrongyloides spp.Plusieurs espèces animalesRecherche des larves dans les lésions
 InsectaCimicidaePunaise des litsCimex lectulariusHomme, oiseauxRecherche des punaises dans les habitations humaines (meubles et interstices des murs)
Espèces libres
 ArachnidaTrombiculidaeAoûtat, vendangeur, lepte d’automneTrombicula automnalisAdultes libres dans le milieu extérieurRecherche des larves parasites
PyemotidaeAcarien de la paillePyemotes tricitiAdultes libres dans les fourrages et les stocks de denrées alimentairesRecherche des parasites
AcaridaeCiron de la farine
Acarien de la moisissure ou Ciron des champignons
Acarus siro
Tyrophagus spp
  
GlycyphagidaeAcarien des maisonsGlycyphagus spp  

Cette distinction est facile lorsque le parasite en cause est retrouvé. Par contre, le diagnostic devient très difficile lorsque des arthropodes non connus pour être parasites sont retrouvés chez le patient. C’est le cas par exemple de Limothrips cerealium qui est un insecte ravageur des plantes et habituellement non parasite qui peut provoquer exceptionnellement une parasitose atypique prise pour un syndrome d’Ekbom [7]. Dans certains cas, il peut s’agir d’un syndrome de larva migransou de larva currens. Plusieurs auteurs rapportent ces cas cliniques avec des errances diagnostiques qui ont duré dans des cas extrêmes, quelques dizaines d’années.

Pour écarter les causes parasitaires, le domicile du patient doit être visité par un entomologiste, ses animaux examinés par un vétérinaire pour rechercher d’éventuels parasites zoonotiques, le patient doit être pris en charge par un dermatologue qui doit examiner les lésions et écarter l’hypothèse d’une infestation parasitaire réelle.

Le syndrome d’Ekbom doit être différencié aussi de la pathomimie durant laquelle, la personne est consciente qu’elle n’est pas malade mais elle le feint.

Il est évident que le syndrome d’Ekbom serait à différencier de plusieurs autres psychoses qui sortent du cadre du présent article et de la compétence de son auteur. En particulier, deux psychoses doivent être écartées, l’hypochondrie et les troubles obsessionnels compulsifs avec des obsessions de contaminations. La conviction d’être infesté dans ces deux psychoses n’est pas aussi inébranlable que dans le syndrome d’Ekbom.

Le diagnostic différentiel est à faire aussi avec plusieurs maladies générales comme le diabète, l’ictère, la dermatite atopique, le lymphoblastome … [6].

En résumé, il faut commencer par rechercher une infestation parasitaire réelle, si ce n’est pas le cas, il faut préciser le sous-type de délire parasitaire, s’il est secondaire à une autre maladie (la liste est longue, il peut s’agir d’une schizophrénie, d’une dépression, d’une intoxication, d’une maladie cérébrale ou de plusieurs autres affections) ou primaire. Dans certains cas, le syndrome d’Ekbom est induit (il s’agit du délire à deux ou à trois) [5].

Pourquoi le vétérinaire doit-il connaître le syndrome d’Ekbom ?

Dans le cadre d’une approche Une seule santé, le vétérinaire doit connaître cette psychose humaine pour plusieurs raisons :

  • il peut être lui-même victime de cette psychose, il doit de ce fait au moins la suspecter pour pouvoir se faire prendre en charge par un psychiatre sans trop d’errance diagnostique ;

  • le cas inverse est important aussi, le vétérinaire peut à tort croire qu’il est atteint du syndrome d’Ekbom alors qu’en réalité, il est réellement infesté par des parasites. C’est ce qui est arrivé une fois à l’auteur, ressentant un prurit sur son corps, il a cru qu’il souffrait d’un syndrome d’Ekbom passager suite à l’examen d’un chien hyperinfesté par les puces mais en prenant sa douche le soir, il a vu une puce dans la baignoire. Faire la différence entre une infestation réelle et un syndrome d’Ekbom pour un vétérinaire praticien est très important pour le confort de sa vie et celle de son entourage  ;

  • le vétérinaire peut recevoir des animaux de compagnie pour recherche d’hypothétiques parasites car le propriétaire est atteint du syndrome d’Ekbom. Il doit dans ce cas, pouvoir suspecter le syndrome chez le propriétaire et le conseiller d’aller consulter chez son médecin ;

  • le vétérinaire peut être amené aussi à affronter des cas du syndrome d’Ekbom réels ou hypothétiques chez ses collaborateurs (ouvriers, ASV…) ;

  • se pose aussi une question très importante en psychiatrie vétérinaire, est-ce que le syndrome d’Ekbom ou son équivalent existe chez les carnivores domestiques ou non ? Les cas cliniques de tic de léchage, d’automutilation caudale ne seraient-ils pas dus en réalité à l’équivalent du syndrome d’Ekbom chez les animaux ?

 

Pour toutes ces raisons, le vétérinaire praticien doit pouvoir identifier les symptômes rattachés à ce syndrome, le suspecter chez lui ou dans son entourage familial ou professionnel pour orienter la personne suspecte vers une prise en charge médicale dans des délais raisonnables abrogeant ainsi l’inconfort, la souffrance psychique et physique dont le patient souffre et fait souffrir son entourage.

Conclusion

De par son rôle en tant que médecin des animaux de compagnie et responsable d’un cabinet ou d’une clinique, le vétérinaire joue le rôle de gestionnaire de ressources humaines, il peut être confronté à un problème de syndrome d’Ekbom en tant que personne, chez les propriétaires des animaux qu’il soigne ou chez le personnel de sa structure vétérinaire. Il est de ce fait sur la ligne de front de ce problème de santé qui peut ne pas être diagnostiqué et apporter un très grand préjudice à la santé mentale voire physique de la personne dont elle souffre. La prise en charge d’un cas de syndrome d’Ekbom nécessite l’intervention concomitante de cinq professionnels : (i) l’entomologiste qui va infirmer ou confirmer la présence d’arthropodes dans le domicile du patient, (ii) le dermatologue qui cherche les parasites ou la cause de ce prurit et prend en charge les lésions assez souvent auto-induites consécutives à l’application de différents produits chimiques et le prurit, (iii) du psychiatre qui va prendre en charge l’aspect psychiatrique, (iv) le médecin de différentes spécialités qui doit prendre en charge l’éventuel problème de santé primaire, (v) le vétérinaire qui intervient, en relation avec ces professionnels, pour la recherche de parasitoses zoonotiques sur les animaux de compagnie du patient.

Déclaration de liens d’intérêts

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

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    Cited by (0)

    Glossaire

    Ectoparasite

    parasite vivant à la surface de la peau (tiques, Demodex, agents de gales, poux, puces…) ou à proximité de celle-ci (moustiques, phlébotomes, mouches, moucherons…).

    Larva currens

    c’est un syndrome provoqué par l’infestation des animaux et de l’Homme par les larves de Strongyloides spp., dont S. stercoralis. Les larves se déplacent rapidement dans la peau à la vitesse de 5 à 15 cm par heure. Ce syndrome est à différencier du syndrome larva migrans dans lequel les larves se déplacent plus lentement.

    Larva migrans

    syndrome provoqué par l’infestation des animaux et de l’Homme par les larves d’Ancylostoma spp. parasites digestifs des carnivores. Ce syndrome est à différencier du syndrome larva currens.

    Crédits de formation continue. La lecture de cet article ouvre droit à 0,05 CFC. La déclaration de lecture, individuelle et volontaire, est à effectuer auprès du CNVFCC (cf. sommaire).

 

Télémédecine vétérinaire et transformation de la pratique en santé animale

Analyse du centre d'études et de prospective du Ministère de l'Agriculture et de la souveraineté alimentaire

Document adressé par Franck Bourdy de l'AVF le 20 septembre 2023

La télémédecine se développe en santé animale et l’usage des outils connectés facilite son adoption, pour les animaux de compagnie comme pour ceux de rente. Elle nécessite des aménagements de la réglementation (puisque le décret de 2020 autorisant son expérimentation est maintenant caduc), et de la formation des praticiens. Elle modifie en profondeur la relation entre l’animal, son propriétaire et le vétérinaire, tout en étant porteuse de nombreux bénéfices en matière de santé publique vétérinaire.

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Géographie logistique du système agro-alimentaire français

Analyse du centre d'études et de prospective du Ministère de l'Agriculture et de la souveraineté alimentaire

Document adressé par Franck Bourdy de l'AVF

Les paramètres géographiques (lieux, distances, territoires, espaces) sont fondamentaux pour comprendre les productions agricoles et les consommations alimentaires. C’est la raison pour laquelle le Centre d’études et de prospective du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire a conduit une analyse géographique des secteurs agricole et alimentaire français, déclinée en trois documents de travail relatifs aux dimensions économiques, environnementales et logistiques. Cette note revient sur les principales conclusions du volet logistique. Elle s’intéresse aux parcours effectués par les produits agricoles et alimentaires, depuis la production jusqu’à la consommation, et aux évolutions techniques et sociétales en la matière.

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"Environnement et santé publique, Fondements et pratiques", sous la direction de Isabelle Goupil-Sormany, Maximilien Debia, Philippe Glorennec, Jean-Paul Gonzalez, Nolwenn Noisel

Ce manuel de référence en santé environnementale, publié originellement en 2003, est disponible dans sa totalité en accès libre sur Internet dans sa nouvelle édition à laquelle a contribué Patrick Giraudoux, membre correspondant de l'Académie vétérinaire de France. Les 39 chapitres et autres sections peuvent être consultés, imprimés, téléchargés et faire l’objet de recherche de texte (mots-clés). Les signets sont activés ce qui permet de naviguer rapidement à l’intérieur d’un chapitre. Les affiliations des quelques 140 auteurs se retrouvent dans la section de présentation générale alors que deux index sont présentés en fin d’ouvrage. De manière à pouvoir rapporter correctement chaque contribution, la citation bibliographique complète est rappelée au début de chaque chapitre.

La publication originelle de l’ouvrage a bénéficié du soutien financier des institutions ou organismes suivants : ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, ministère de l'Écologie et du Développement durable (France), Université de Montréal, Institut de veille sanitaire (France), Réseau de recherche en santé environnementale du Fonds de la recherche en santé du Québec et Centre de recherches pour le développement international (Canada).

Les rédacteurs remercient également les éditeurs Edisem au Québec et Tec&Doc (Lavoisier) en France pour leur appui dans la diffusion de cet ouvrage.

 

Accès à cet ouvrage via internet:

https://www.cairn.info/environnement-et-sante-publique--9782810910076.htm

 

Nouvelles biotechnologies (NGT) : Enjeux réglementaires et souveraineté agro-alimentaire par Catherine Regnault Roger. Institut Sapiens.

L'institut Sapiens vient de publier un article de la Professeure Catherine Regnault Roger.

https://www.institutsapiens.fr/observatoire/nouvelles-biotechnologies-ngt-enjeux-reglementaires-et-souverainete-agroalimentaire/ (téléchargement de l'article en haut et à droite du document accessible par le lien)

Celui-ci complète et met à jour les informations publiées au printemps 2022 dans son livre "Enjeux Biotechnologiques : Des OGM à l'Edition du Génome". (Presse des Mines, Paris, 2022),  https://doi.org/10.3406/bavf.2022.71002 .

L’auteure décrit dans cet article l’évolution de la démarche en cours, au sein des instances Bruxelloises notamment suite à la consultation publique de la Commission de l’Union Européenne à l’été 2022. Elle rappelle le champ de l’actuelle initiative stratégique de la Commission ciblée sur le végétal, excluant ainsi les organismes qui n’appartiennent pas au règne végétal, c’est-à-dire les micro-organismes et les animaux.

 A cet égard, l’auteure prend nettement position en faveur de l’extension de la révision de la réglementation européenne sur les NGT pour les animaux d’élevage en accord avec la position assumée de l’Académie Vétérinaire de France.

Malgré la controverse sociétale en Europe, l’auteure persiste à affirmer et démontrer que les NGT constituent un atout incontournable pour faire face aux divers enjeux de la production agricole et ici en termes de souveraineté alimentaire, particulièrement d’actualité en cette période.

Michel Thibier, le 29 octobre 2022

Membre émérite Académie vétérinaire de France et Académe d'Agriculture de France

Les approches One Health pour faire face aux émergences: un nécessaire dialogue État-sciences-sociétés

Published online 05 August 2022

Natures Sciences Sociétés 30, 1, 72-81 (2022) 

DOI: https://doi.org/10.1051/nss/2022023

Les approches One Health pour faire face aux émergences: un nécessaire dialogue État-sciences-sociétés

One Health approaches to tackle emerging health threats: a crucial State-science-society dialogue

Marie-Marie Olive1*, Jean-Luc Angot2, Aurélie Binot3, Alice Desclaux4, Loïc Dombreval5, Thierry Lefrançois6, Antoine Lury7, Mathilde Paul8, Marisa Peyre9, Frédéric Simard10, Jérôme Weinbach11 et François Roger12

1 Épidémiologie, IRD, UMR MIVEGEC, CNRS, Université de Montpellier, Montpellier, France et CIRAD, UMR ASTRE, INRAE, Université de Montpellier, Montpellier, France 
2 Santé publique vétérinaire, ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, conseil général de l’Alimentation, de l’Agriculture et des Espaces ruraux, section Prospective, Société, International, Paris, France 
3 Anthropologie et agronomie, CIRAD, UMR ASTRE, INRAE, Université de Montpellier, Montpellier, France 
4 Anthropologie et médecine, IRD, UMI TransVIHMI, INSERM, Université de Montpellier, Montpellier, France 
5 Médecine vétérinaire, Député des Alpes-Maritimes, Assemblée nationale, Paris, France 
6 Santé publique vétérinaire, CIRAD, département BIOS, Montpellier, France 
7 Sciences politiques, Agronomes et vétérinaires sans frontières (AVSF), département technique Élevage, Santé animale et Santé publique vétérinaire, Vientiane, Laos 
8 Épidémiologie, ENVT, UMR IHAP, INRAE, Université de Toulouse, Toulouse, France 
9 Épidémiologie, CIRAD, UMR ASTRE, INRAE, Université de Montpellier, Montpellier, France 
10 Entomologie médicale, IRD, UMR MIVEGEC, CNRS, Université de Montpellier, Montpellier, France 
11 Santé publique, Agence française de développement (AFD), département Transition démographique et sociale, division Santé et Protection sociale, Paris, France 
12 Épidémiologie, CIRAD, Direction générale déléguée à la recherche et à la stratégie (DGDRS), Hanoï, Vietnam 

* Auteur correspondant: marie-marie.olive(at)cirad.fr 

Résumé

En mars 2021, Montpellier Université d’excellence (MUSE) et Agropolis International ont réuni des décideurs, acteurs opérationnels, représentants d’organisations internationales et scientifiques pour partager leurs expériences des approches intégrées en santé dans le cadre du concept One Health. Ces échanges intersectoriels fructueux ont croisé les points de vue et ont pointé les obstacles et les enjeux de la mise en œuvre concrète de ces approches. Les participants ont abouti à des propositions pour rendre plus efficace cette mise en œuvre et faire face aux menaces sanitaires émergentes et aux futures pandémies : coconstruire des projets intégrés avec tous les acteurs concernés (citoyens, décideurs politiques, chercheurs, services locaux) ; développer des méthodes d’évaluation de leurs impacts ; former les acteurs ; institutionnaliser et coordonner les actions du niveau local au niveau mondial.

Abstract

On March 1 and 2, 2021, Montpellier Université d’excellence and Agropolis International invited decision-makers, operational actors, representatives of international organizations and scientists to share their experiences in the context of the One Health concept. These fruitful intersectoral exchanges allowed comparing points of view and making suggestions for the institutionalization and the effective implementation of integrated approaches to health. This article summarizes the discussions developed during this workshop. They have generated proposals and allowed to point out challenges for a concrete implementation of One Health approaches such as the promotion of a Politics-Science-Society dialogue and the development of a dynamic relationship between scientific research and operationality. A number of issues have been identified, including the lack of integration of agriculture and environment in One Health approaches, the low participation of citizens in the construction of projects and the lack of coordination of actions at the institutional level. Tasks have been identified for the successful implementation of One Health approaches in the field. These include the coconstruction of integrated projects with all stakeholders, from citizens to policy makers, researchers and local services, the development of pilot field studies properly evaluated so as to provide proof of concepts as well as institutionalization and coordination of actions from local to global levels.

Mots clés : One Health / dialogue État-sciences-sociétés / maladies émergentes / prévention / approches intégrées

Key words: One Health / State-science-society dialogue / emerging diseases / prevention / integrated approaches

© M.-M. Olive et al., Hosted by EDP Sciences, 2022

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Près d’un an après la déclaration de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur la pandémie de Covid-19 (OMS, 2020), Montpellier Université d’excellence (I-Site MUSE) et Agropolis International, avec leurs partenaires1, ont invité décideurs, acteurs opérationnels, représentants d’organisations internationales et scientifiques à partager leurs expériences des approches intégrées en santé dans le cadre du concept One Health. Cet atelier virtuel, intitulé « Quelles coopérations face aux émergences épidémiques ? Un nécessaire dialogue sciences-sociétés », a eu lieu les 1eret 2 mars 20212. Il faisait suite à la publication par Agropolis International (2019) du dossier Santé globale. Homme, animal, plantes, environnement : pour des approches intégrées de la santé et avait pour but de renforcer, en les approfondissant, les réflexions stimulées par la crise due à la pandémie de Covid-19.

La pandémie de Covid-19, succédant à une série d’épidémies de maladies émergentes depuis plusieurs décennies (Paul et al., 2020), a contribué à faire prendre conscience de l’incidence des changements globaux sur l’émergence et la propagation des agents infectieux ainsi que de leurs conséquences dramatiques sur les plans sanitaire, économique et social (Carre et al., 2020 ; Le Monde AFP et Reuters, 2020 ; Duhamel, 2021).

Les liens complexes et multiples entre la santé des êtres vivants, la biodiversité et l’environnement sont identifiés par les scientifiques et les acteurs de la santé par le terme One Health (Une seule santé). Cette approche intégrée, qui affirme l’interdépendance des santés animale et humaine et de l’état des écosystèmes et qui promeut une démarche transdisciplinaire et collaborative, suscite de plus en plus d’intérêt (IPBES, 2020 ; FRB, 2020 ; Gibbs, 2014 ; Gruetzmacher et al., 2021). Cependant, elle souffre encore d’un manque important d’appropriation par les politiques publiques ainsi que d’une faible valorisation et promotion par des applications concrètes.

La recherche scientifique a pourtant été pionnière dans l’utilisation de cette approche One Health pour comprendre les phénomènes d’émergence épidémique, de propagation et de persistance des maladies. Cette approche a été mobilisée avec succès dans des contextes diversifiés, par exemple pour expliquer la dynamique de transmission et d’émergence de la fièvre de la vallée du Rift en Afrique de l’Est (Oyas et al., 2018), ou encore pour identifier l’origine de l’émergence de la bilharziose en Corse en 2013 (Anses, 2018).

Comment expliquer que cette approche One Health n’ait pas été plus largement déployée par les politiques publiques en matière de santé ? Quelles sont les principales orientations à prendre et les mesures à apporter pour y parvenir ? Et comment la mettre en œuvre efficacement sur le terrain ?

L’atelier de mars 2021 a permis de croiser les points de vue de différents secteurs – recherche, organisations nationales et internationales, organisations non gouvernementales et acteurs de la vie politique – dont nous faisons la synthèse dans cet article.

Les enjeux d’une approche intégrée

Mettre en cohérence les concepts

Sur le plan de la recherche, la collaboration entre différentes disciplines scientifiques implique de mettre en cohérence leurs concepts pour élaborer un langage commun. Une ambiguïté persiste sur la définition du concept One Health et des concepts connexes, tels qu’Ecohealth et One Welfare. Le terme One Health est surtout utilisé pour traiter des questions médicales et vétérinaires en mettant l’accent sur les zoonoses et la lutte contre la résistance aux antimicrobiens. Le concept d’Ecohealth (« an ecosystem approach to health »), initialement proposé par des écologues de la santé travaillant sur la conservation de la biodiversité, tend à se concentrer sur les questions environnementales et socioéconomiques (Roger et al., 2016). Enfin, le concept One Welfare considère les nombreux liens entre le bien-être animal et le bien-être humain et reconnaît qu’ils dépendent d’un environnement écologique en bonne santé (Fraser, 2016). La convergence des concepts pourrait être bénéfique et favoriserait des approches plus systémiques (Zinsstag, 2012) : cela éviterait de nouveaux clivages entre experts en santé humaine et animale, écologues et défenseurs de l’environnement. Mais cela est encore débattu par les scientifiques, la diversité des concepts apportant pour certains une souplesse de pensée et d’action favorable aux approches intégrées.

Coconstruire les projets One Health et développer le partenariat État-sciences-sociétés

Les participants de l’atelier ont souligné la nécessité de coconstruire les activités One Health avec l’ensemble des parties prenantes, à tous les niveaux, acteurs et bénéficiaires, en particulier avec les citoyens. Ces acteurs sont au cœur des processus d’émergence des menaces sanitaires, dont ils sont les premières victimes et/ou parfois les responsables, et leur participation est impérative, notamment dans les dispositifs de surveillance d’émergence des maladies.

Pour les scientifiques impliqués dans de tels projets, la coconstruction doit être pluridisciplinaire pour partager, d’une part, les points de vue de toutes les parties prenantes – les chercheurs, les citoyens, les opérateurs techniques, les décideurs politiques locaux et nationaux, etc. – afin de comprendre la diversité de leurs besoins et contraintes, et, d’autre part, les méthodes de travail en recherche et les défis à relever sur le plan scientifique. Cela requiert à la fois un travail d’interconnaissance, la définition d’objectifs communs et une volonté mutuelle de partager et de transférer des compétences pour poser les bases d’un langage commun, compréhensible par tous.

À ce titre, les sciences participatives sont intéressantes car elles permettent aux citoyens de contribuer à la production de connaissances scientifiques. Il serait opportun de financer et de multiplier des actions pilotes d’approches intégrées en santé sur le terrain qui appliquent ces méthodes, en partenariat avec la recherche (recherche-action), pour mobiliser les acteurs locaux (principe de responsabilité collective), institutionnaliser ces approches (y compris aux niveaux décentralisés) et alimenter les politiques afin d’éclairer leurs décisions. L’évaluation de ces actions intégrées, à prévoir dès leur conception, pourrait apporter des preuves d’efficacité du concept One Health. En Asie du Sud-Est, par exemple, l’organisation non gouvernementale (ONG) Agronomes et vétérinaires sans frontières (AVSF) et le Cirad proposent, en réponse à la crise de la peste porcine africaine, des perspectives de travail à la charnière entre recherche scientifique et développement (Delabouglise et al., 2021 ; Peyre et al., 2021).

Installer une relation dynamique entre recherche scientifique et opérationnalité

Le partenariat entre les scientifiques, les citoyens, les opérateurs techniques (ONG et services techniques) et les pouvoirs publics doit être préparé et une communication forte entre ces différentes parties prenantes doit être établie. La recherche scientifique doit comprendre et restituer la complexité des interactions et mettre au point des outils et des méthodes d’action.

De leur côté, les ONG et les services techniques déconcentrés sont ancrés dans un territoire et ont une expertise technique spécifique. Leur implication effective dans les systèmes de surveillance est essentielle. Ces opérateurs techniques sont en capacité d’identifier des besoins concrets et des signaux faibles (émergence de maladies, dégradation des écosystèmes, évolution des pratiques agricoles, etc.). De plus, ils sont des relais décisifs pour identifier des terrains d’étude prioritaires, sensibiliser et assurer la participation des acteurs locaux, adapter et mettre en pratique les outils scientifiques et les dispositifs publics. Ils permettent, en effet, d’accompagner, de prolonger et d’institutionnaliser localement les expérimentations menées et d’aider à la pérennisation des actions, y compris en appuyant les autorités publiques dans les réformes structurelles de long terme.

Toutefois, ces acteurs sont souvent négligés par les programmes One Health, focalisés sur les échelles nationale et internationale. Or les moyens humains et financiers des opérateurs techniques sont souvent restreints, leur coordination intersectorielle est souvent faible et leurs capacités techniques sont généralement limitées à des observations empiriques. C’est pourquoi les opérateurs techniques et la recherche scientifique gagneraient à coopérer. Cette coopération serait, en effet, favorable pour analyser les situations, mettre au point des outils d’action adaptés, suivre les actions pilotes et permettre leur mise en place à l’échelle locale. Cette coopération est également essentielle pour analyser les connaissances et les pratiques des acteurs locaux et ainsi identifier les leviers favorisant les changements et l’implication durable de ces acteurs dans les dispositifs de santé publique (exemple : dispositif de surveillance).

Cette coopération entre scientifiques et partenaires techniques de terrain autour d’expérimentations (recherche-action) guidées et soutenues par la science est in fine un support aux autorités nationales et internationales pour qu’elles puissent élaborer des politiques publiques plus adaptées et inclusives en santé publique. Les pouvoirs publics peuvent ainsi se nourrir de ces modes de coopération jusqu’à engager, le cas échéant, des réformes structurelles durables. Ces échanges États-sciences-sociétés sont indispensables pour opérationnaliser l’approche One Health sur le terrain et prévenir les situations de crise sanitaire. Le partenariat entre scientifiques, citoyens, opérateurs techniques et pouvoirs publics doit être encouragé, facilité et institutionnalisé au sein d’espaces d’échange adaptés, à toutes les échelles.

Les obstacles à l’application du concept One Health

L’atelier a mis au jour des obstacles majeurs à une plus large adoption du concept One Health et des approches intégrées en santé dont nous présentons ici une synthèse.

Le manque d’intégration de l’agriculture et de l’environnement, ainsi que de leurs interactions, a été particulièrement discuté. En effet, des habitudes de collaboration entre santé humaine et santé animale persistent sans que les aspects agronomiques et environnementaux soient pris en compte, ce qui constitue un frein à l’application des approches One Health. Celles-ci sont en général abordées avec une vision anthropocentrée et focalisée sur les zoonoses : cela exclut de fait certaines problématiques concernant l’agriculture et l’environnement, ce qui ne facilite pas les approches intégrées de la santé. Par exemple, les éleveurs sont confrontés à des maladies qui n’affectent pas directement l’être humain mais qui ont des impacts socioéconomiques, sanitaires et alimentaires importants, qu’il faudrait aborder de façon interdisciplinaire, intersectorielle, multi-échelles et multi-acteurs. De récents travaux suggèrent que de telles démarches pourraient porter leurs fruits dans le cadre de l’éradication de la peste des petits ruminants, maladie non zoonotique qui touche les petits ruminants en Afrique (Roger et al., 2021). Un tel exemple suggère que l’approche One Health a toute sa place dans l’étude et la résolution des problèmes induits par les maladies animales.

L’érosion de la biodiversité et la santé environnementale sont encore trop peu prises en compte dans les initiatives One Health (de Garine-Wichatitsky et al., 2020). Or les activités humaines altèrent profondément la biodiversité, y compris celle des agents infectieux et de leurs hôtes et vecteurs. Cette biodiversité fournit de nombreux services environnementaux, comme les phénomènes dits « de dilution » qui, dans certaines circonstances, limiteraient la transmission de maladies infectieuses (Roche, 2016). De plus, bien que les agents pathogènes des plantes ne se transmettent pas à l’animal ou à l’humain, la santé des végétaux, dont celle des plantes cultivées, peut avoir des conséquences directes et indirectes sur la santé des animaux et des humains.

La résistance aux antimicrobiens est un enjeu majeur de l’interface agriculture-santé-environnement (Angot, 2021 ; Ducrot et al., 2021). L’usage massif des antibiotiques en agriculture s’accentue avec l’essor des élevages intensifs et de la demande en produits animaux, notamment en Asie (Goutard et al., 2017) et en Afrique (Ducrot et al., 2021). L’accumulation des résidus antibiotiques dans l’environnement (sols et eaux) et la propagation à large échelle de bactéries (multi)résistantes aux antibiotiques menacent à la fois la santé humaine et la santé des animaux terrestres et aquatiques, qu’ils soient domestiques ou sauvages. Cependant, les liens de causalité entre usages vétérinaires et médicaux et résistances observées en santé humaine restent complexes à élucider : les sciences humaines et sociales seraient ici très utiles mais elles sont insuffisamment sollicitées. Une approche intersectorielle tenant compte des dynamiques sociologiques et comportementales est nécessaire (Fortané, 2016).

Ces exemples montrent que les dynamiques sociales et écologiques à l’œuvre dans l’environnement et les systèmes agricoles doivent être prises en compte pour analyser les processus sociaux et écologiques propices à l’émergence de maladies infectieuses et de résistances aux antimicrobiens.

En plus de ce décloisonnement insuffisant entre les disciplines scientifiques, la collaboration entre les secteurs d’intervention et entre les acteurs (publics, privés, associatifs) reste elle aussi insuffisante. Les partenariats actuels se limitent souvent au lien État-sciences au détriment de la relation État-sciences-sociétés, ce qui entraîne une inadéquation entre les échelles de gestion sur le terrain (services de santé publique et vétérinaire, surveillance épidémiologique) et les échelles des processus impliqués (épidémiologie, fonctionnement des écosystèmes, évolution des sociétés).

La faible inclusion de la société civile a aussi été discutée par les participants de l’atelier, soulignant l’importance du partenariat État-sciences-sociétés pour réussir une action intégrée en santé. L’inadéquation entre les échelles de gestion et les échelles des processus impliqués induit des réponses inadaptées et empêche une gouvernance adaptative. Comment les acteurs locaux et les citoyens, rarement associés aux initiatives, et encore moins à leur conception, peuvent-ils s’y engager ? Répondre aux besoins des acteurs en première ligne des risques est essentiel pour assurer l’acceptabilité et la pertinence des actions sur le terrain. Mais pour garantir la pérennité de ces actions locales et engager les réformes nécessaires, il faut un ancrage législatif et politique à l’échelle nationale.

Sur le plan institutionnel, il manque une coordination des actions One Health, d’une part, parce qu’elles impliquent un grand nombre d’acteurs et de parties prenantes, et, d’autre part, parce qu’elles concernent de multiples niveaux d’intervention. Tant dans les pays industrialisés que dans les pays à faible revenu, il manque souvent une vision globale, une coordination et un portage politique et institutionnel de l’approche One Health. La coordination des actions One Health au niveau des institutions et des gouvernements apparaît comme un élément indispensable à leur mise en œuvre et leur pérennisation. Sans cet engagement fort des États pour développer une stratégie intégrative et inclusive de la santé, les approches One Health ont peu de chance d’être durables.

Cependant, même dans des contextes institutionnels propices, l’application sur le terrain des approches One Healthreste limitée et il est difficile de produire des « preuves de concept ». Malgré le grand nombre de projets de recherche initiés dans le monde, il manque encore des études pilotes conduites sur le terrain qui intègrent dans leur conception des méthodes d’évaluation standardisées au regard d’objectifs et de critères (ou d’indicateurs) d’efficience et d’impact : ces méthodes pourraient permettre de mettre au jour les preuves de la valeur ajoutée de ces approches.

Enfin, il existe une inadéquation des cadres de financement et de ressources budgétaires avec le principe même de One Health. En effet, ces cadres sont souvent cloisonnés par secteurs et largement focalisés sur les dispositifs internationaux et nationaux et trop faiblement sur les échelles locales (services techniques déconcentrés, agents communautaires, etc.), ce qui n’encourage pas assez les projets de recherche-action et les actions One Health.

Une approche opérationnelle performante pour surveiller, détecter précocement les émergences et prévenir leur diffusion

L’atelier s’est attaché à proposer des pistes afin de rendre opérationnelles les approches One Health.

Les pays à faible revenu soumis à un risque élevé d’émergence sont confrontés à de nombreux défis tels que le manque de ressources financières et humaines (de surcroît bien formées) pour mettre en place une surveillance efficace, la fragilité et les limitations capacitaires des systèmes de santé et le manque d’interactions entre les autorités nationales et les communautés locales. La solidarité internationale a un rôle majeur pour renforcer les dispositifs de surveillance et de santé dans ces pays, en apportant des ressources et en formant les acteurs nationaux. Sur le terrain, l’appui de partenaires techniques est indispensable pour réaliser les actions localement, à l’interface entre communautés locales et services publics. À ce titre, les agents communautaires (environnement, santé animale et santé humaine) ont une fonction centrale dans la pérennisation de ces dispositifs de surveillance, par leurs actions de sensibilisation, de mobilisation et d’appui technique aux communautés villageoises, de collecte de données, etc. De plus, par ces actions, ils peuvent créer ou rétablir un lien de confiance entre l’État et les citoyens.

Malgré les difficultés auxquelles ces pays font face, ils ont de l’avance sur certains pays industrialisés et ont déjà intégré les approches One Health dans la prévention et la gestion des risques sanitaires (Bordier et al., 2020). En Afrique et en Asie, des plateformes One Health ont été initiées, pour la plupart à la suite de la grippe aviaire H5N1 survenue en 2006. Elles mènent des investigations et des actions lors de crises sanitaires : Ebola en Afrique centrale et de l’Ouest3, fièvre de la vallée du Rift au Niger en 2016 (Lagare et al., 2019). Au Sénégal, la plateforme One Health est rattachée directement à la présidence, ce qui montre la volonté forte du pays de faire face aux risques sanitaires par une approche interdisciplinaire et multisectorielle (Kabkia et al., 2018).

La surveillance menée de manière intersectorielle et pluridisciplinaire offre une diversité et une complémentarité de sources de données et d’indicateurs dont la mutualisation et l’analyse combinée pourraient permettre de déceler un évènement d’émergence. Cette mutualisation des actions de surveillance aide à répondre à des situations sanitaires complexes. En complément des dispositifs de surveillance centrés sur la détection d’agents pathogènes, la surveillance dite « syndromique » peut également viser à détecter des évènements anormaux. En plus des citoyens et des associations (chasseurs, par exemple), les acteurs privés (vétérinaires libéraux, pharmacies, entreprises forestières…) ont une place-clé dans la détection et l’alerte précoces – détection de tableaux cliniques, suivi des ventes de médicaments, évolution des prix de produits animaux (Goutard et al., 2015). Au-delà des partenariats directs de terrain, le partenariat public-privé a aussi une place à jouer dans les approches One Health en renforçant, par exemple, les systèmes de surveillance et en contribuant à l’innovation (Schipp, 2020).

Les outils d’intelligence épidémique peuvent aider à détecter des signaux anormaux en explorant des données volumineuses provenant de sources multiples (réseaux sociaux, médias). C’est par exemple l’objectif du projet européen MOOD4, qui vise à recueillir des signaux inhabituels pour appréhender les émergences épidémiques.

La qualité de la surveillance est indissociable de l’accès aux données, de leur qualité, de leur cohérence ainsi que de la manière dont elles sont utilisées. Tout manque d’accès ou de qualité rend difficiles la surveillance et la détection précoce des émergences, tant au niveau national qu’international. La transparence sur l’utilisation des données fournies par chacun des acteurs à tous les niveaux est primordiale pour les convaincre de l’intérêt et du bénéfice de leur partage. L’établissement avec tous les acteurs concernés de modalités et de garanties en matière de transparence et de sécurité permettrait de résoudre l’accès insuffisant aux données sanitaires, trop souvent récurrent parce qu’elles sont en effet sensibles – elles contiennent des données personnelles (santé humaine), la divulgation de certaines données peut avoir de graves répercussions (barrière sanitaire, exportation interdite) – et cela dissuade les pouvoirs publics ou les acteurs locaux de les communiquer.

De même, les dispositifs de santé animale, de santé publique et de l’environnement doivent partager leurs données et les rendre interopérables pour pouvoir les analyser de manière conjointe. Cela implique d’harmoniser les techniques entre les différents secteurs. Par exemple, autour d’une question commune, les dispositifs concernés doivent ensemble identifier le type de données nécessaires, harmoniser les modes de collecte, les standards de protection et de sécurité, les modes de stockage, d’accès, de partage et de traitement, et enfin définir les règles d’accès et d’exploitation secondaire de ces données.

Dans plusieurs pays, dont la France, des rapprochements entre secteurs ont été mis en œuvre lors de crises sanitaires. Ainsi, en 1996, lors de la crise de la vache folle, une vétérinaire faisait partie du comité Dormont (Haut Comité de la santé publique, 1996). En 2021, un vétérinaire a été intégré au Conseil scientifique Covid-19. Mais qu’en est-il dans l’intervalle entre les crises sanitaires ? Des collaborations intersectorielles s’organisent sur le territoire français avec, par exemple, un plan national de réduction de l’antibiorésistance5 mais cela reste encore insuffisant pour la prévention et la surveillance des menaces sanitaires émergentes.

Cinq axes de propositions

Les participants de l’atelier ont esquissé cinq axes dans l’objectif de développer les approches One Health à toutes les échelles : expérimenter, évaluer l’impact, institutionnaliser, former les acteurs, coordonner les recherches.

Expérimenter sur le terrain la mise en œuvre opérationnelle des approches One Health

Les acteurs opérationnels, tels que les ONG internationales et locales, et les décideurs ont un rôle central à jouer dans cette mise en œuvre des approches One Health, en particulier pour impliquer les populations elles-mêmes, qui sont les premières concernées par les projets One Health. Par exemple, le projet Thiellal – financé par l’AFD, coordonné par AVSF en partenariat avec une ONG internationale (Solthis), une ONG locale (CASADES) et impliquant le Haut Conseil national de sécurité sanitaire mondiale « One Health » au Sénégal – vise à rendre le concept One Health opérationnel dans certains territoires du Sénégal6. Ce projet utilise une démarche participative et intégrative pour faire émerger, hiérarchiser puis traiter durablement les problématiques de santé des communautés rurales du département de Vélingara au Sénégal. Cette démarche implique une large diversité d’acteurs locaux de différents secteurs (agriculture, élevage, médecine humaine et animale, environnement, depuis les relais communautaires jusqu’aux services techniques déconcentrés) à diverses échelles du territoire (villages, communes, département). Le point d’entrée opérationnel est celui des « produits chimiques » – médicaments humains, médicaments vétérinaires et pesticides, dont les antimicrobiens en santé humaine et animale. Leurs usages et les dangers qu’ils représentent sont discutés avec les acteurs locaux et, à la lumière des diagnostics participatifs locaux, d’autres problématiques de santé peuvent être abordées. Ce processus de concertation et de coconstruction avec les communautés locales est un enjeu majeur de la mise en œuvre des approches One Health car il assure leur adhésion et la pérennité du projet. Par ailleurs, l’implication, dès la conception du projet, du Haut Conseil national « One Health » du Sénégal permet d’espérer l’intégration des résultats dans la politique nationale en cours de déploiement et dans la dynamique de décentralisation de la gouvernance One Health.

Développer les méthodes d’évaluation de l’impact des approches One Health

Les informations et les indicateurs nécessaires pour évaluer l’impact des projets One Health doivent être définis au cours de leur conception.

L’harmonisation des critères d’évaluation a été abordée lors de l’atelier. Des travaux menés par l’AFD, en collaboration avec des partenaires techniques, proposent des critères intégratifs pour évaluer l’impact d’une approche One Health, tels que la production de nouvelles connaissances (intégration de données issues de différents secteurs) ou le gain de temps de réaction (efficience des organisations à élaborer des modes efficaces de coopération et de riposte). Cette méthode est notamment utilisée dans le cadre du projet Thiellal au Sénégal.

L’outil d’évaluation du projet européen NEOH7 définit des éléments pour aider les chercheurs, les praticiens, les décideurs à évaluer le degré d’intégration des approches One Health (« One Healthness ») qu’ils mettent en œuvre (Rüegg et al., 2018). L’outil proposé est un manuel qui guide les lecteurs pour évaluer leurs approches One Health de manière standardisée, ce qui leur permet d’avoir une vue d’ensemble des actions menées. Le manuel fournit des conseils et des protocoles pratiques pour aider à planifier et à mettre en œuvre des évaluations afin de fournir des informations sur la valeur ajoutée de l’approche One Health.

Évaluer l’impact des mesures de lutte contre une maladie est un autre enjeu One Health. En effet, de nombreuses méthodes de lutte (insecticides, antiparasitaires, antibiotiques) ont un impact avéré sur l’environnement et la santé des populations animales, végétales ou humaines. Nous avons déjà vu que le mésusage des antibiotiques provoque des résistances chez les bactéries. La lutte insecticide contre les moustiques vecteurs ou les ravageurs des plantes entraîne aussi des résistances chez les insectes. L’utilisation de ces insecticides peut avoir des impacts plus larges sur l’environnement, la biodiversité et les services écosystémiques qui y sont associés, par leur rémanence et leur accumulation dans les chaînes trophiques, et des impacts directs sur la santé humaine, par leur toxicité souvent aiguë. L’utilisation de ces biocides, antibiotiques ou insecticides doit aujourd’hui s’entendre de manière raisonnée et intégrée. L’évaluation de leurs effets sur le terrain devra favoriser la transition vers des techniques plus durables et respectueuses de l’environnement.

Institutionnaliser et coordonner les actions

L’approche One Health doit être inscrite dans la politique publique sanitaire de chaque pays : cette institutionnalisation est indispensable pour concevoir les actions et les pérenniser. Ce portage politique doit se traduire par une feuille de route intersectorielle et un plan d’action adaptable aux spécificités territoriales et populationnelles. En France, par exemple, une feuille de route interministérielle a été établie dans le cadre de la lutte contre l’antibiorésistance (Gouvernement français, 2016).

Mais l’institutionnalisation ne doit pas s’arrêter à une vision centralisée : elle doit reconnaître et intégrer la pertinence des interventions aux échelles locales, par exemple autour de projets pilotes appuyés par la recherche et permettant des expérimentations (y compris institutionnelles) susceptibles d’alimenter les politiques publiques. Cela implique donc de développer le partenariat État-sciences-sociétés.

Former et sensibiliser à l’approche One Health

En matière sanitaire, la culture de la prévention et de la préparation ne fait pas partie des priorités de nombreux pays, au Nord comme au Sud. Nous attendons la crise pour agir. Les décideurs économiques et politiques doivent en prendre conscience et investir sur le long terme dans la recherche, la prévention et la surveillance des maladies émergentes. Les agents de la haute fonction publique doivent être formés à la prévention des risques sanitaires et aux approches One Health. En France, un cycle des hautes études en santé globale pourrait être rattaché à l’Institut national du service public (INSP). Dans le cadre universitaire, des formations (initiales et continues) One Healthpourraient rapprocher différentes disciplines et créer des liens entre écoles vétérinaires, écoles d’agronomie, facultés de médecine et de biologie et cursus en sciences sociales. Des partenariats entre l’enseignement universitaire et les opérateurs techniques (ONG, par exemple) pourraient stimuler l’application de l’approche One Health.

Les chercheurs doivent être formés pour cerner l’apport de leurs disciplines respectives aux approches One Health. De leur côté, les opérateurs de santé publique, de santé animale et de l’environnement doivent l’être aussi pour comprendre les apports de la recherche. Le réseau international Sonar-Global8 a, par exemple, produit des supports d’enseignement aux sciences sociales des menaces infectieuses (épidémies émergentes et résistance aux antimicrobiens), certains destinés aux chercheurs en sciences sociales, d’autres aux acteurs de santé publique ; ces supports sont en libre accès sur Internet pour faciliter leur diffusion.

Sur le terrain, les agents communautaires de santé animale ou de santé humaine et les agents de l’environnement (par exemple, les gardes forestiers) doivent être exercés aux approches One Health afin qu’ils acquièrent les compétences d’« agents une seule santé » (One Health Workers). Cet enseignement doit être conçu en s’appuyant sur la nécessaire coopération entre leurs différents secteurs.

Au niveau de la société civile, les actions de communication et de vulgarisation autour des initiatives One Health sont à affiner et multiplier pour sensibiliser les citoyens à la notion de santé globale.

Coordonner les recommandations au niveau international

La FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), l’OMSA (Organisation mondiale de la santé animale, ex-OIE) et l’OMS (Organisation mondiale de la santé) se coordonnent déjà pour lutter contre les zoonoses, les risques liés à la sécurité des aliments et la résistance aux antimicrobiens, en travaillant avec les gouvernements. Ces trois institutions et le PNUE (Programme des Nations unies pour l’environnement) se sont associés pour former l’alliance quadripartite dans le but de renforcer leur travail commun pour mieux intégrer l’environnement. Pour appuyer cette nouvelle alliance, un groupe d’experts (« One Health High Level Expert Panel ») a été constitué en mai 20219. Ces partenariats pourraient aller plus loin en intégrant la conservation de la nature et la lutte contre le trafic d’espèces animales et végétales protégées, en s’alliant par exemple avec l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN) et la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (Cites). L’Unesco pourrait par ailleurs intervenir dans l’éducation à l’approche One Health (Angot, 2020).

Conclusion

La France contribue à promouvoir l’approche One Health au niveau mondial. Ses communautés scientifiques MUSE, tournées vers le Sud, sont très actives dans ce sens. Elle maintient en outre une forte présence sur la scène internationale parce qu’elle participe aux instruments multilatéraux et qu’elle met en œuvre une coopération bilatérale – avec l’appui d’établissements de recherche, d’enseignement et d’expertise (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail [Anses], Cirad, INRAE, Institut national de la santé et de la recherche médicale [Inserm], Instituts Pasteur, IRD, universités, grandes écoles) – ainsi que des outils de financement de l’aide publique au développement. Elle a créé des dispositifs originaux de coopération scientifique bien implantés dans les pays du Sud, par exemple avec le Cirad (Roger et al., 2019), l’IRD10 et le réseau international des Instituts Pasteur11.

À l’Assemblée nationale, une proposition de résolution a été déposée en 2020 invitant le gouvernement à agir en faveur d’une plus forte coopération internationale pour la mise en œuvre de l’approche One Health (Dombreval et al., 2020).

L’initiative internationale PREZODE (Prévenir les risques d’émergences zoonotiques et de pandémies12), lancée sous l’égide de la France au One Planet Summit en janvier 2021, associera des projets de recherche et des actions opérationnelles. Elle a pour but de prévenir les risques d’émergences zoonotiques et de pandémies d’origine animale tout en garantissant la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance des communautés les plus pauvres. PREZODE vise à renforcer la coopération de régions du monde confrontées à ces risques et à favoriser la participation active des acteurs locaux dans la prévention et la détection précoce des émergences. Cette initiative, comme d’autres actuellement au plan international, devrait permettre de consolider l’approche One Health.

Afin de mieux prévenir les futures pandémies, de contrôler les maladies endémiques et épidémiques, les initiatives One Health nécessitent une coconstruction, une institutionnalisation durable et des financements pérennes, et cela, également en dehors des crises sanitaires.

Remerciements

Les auteurs remercient MUSE et Agropolis International pour avoir organisé cet atelier, et particulièrement Mélanie Broin (Agropolis International) ainsi que l’ensemble des intervenants. Nous remercions également Cécile Fovet-Rabot (Cirad) et Manuelle Miller (AVSF) pour leur relecture de l’article.


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Le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), le Centre hospitalier universitaire de Montpellier, l'École nationale vétérinaire de Toulouse (ENVT), l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE), l'Institut de recherche pour le développement (IRD), l'Université de Montpellier et l'Agence française de développement (AFD).

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Ces journées ont rassemblé 40 intervenants de différentes institutions, organisations et disciplines, et ont été suivies par plus de 200 auditeurs. Les vidéos et le programme détaillé sont disponibles en ligne : https://www.agropolis.fr/actualites/atelier-une-seule-sante.php.

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Projet EBOHEALTH (Ebola : un modèle One Health pour comprendre et prévenir les risques d'émergence), financé par MUSE (Montpellier Université d'excellence), https://shsebola.hypotheses.org/ebohealth.

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Projet européen MOOD (Monitoring outbreak events for disease surveillance in a data science context, 2020-2024) : https://mood-h2020.eu/.

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Plan Écoantibio : https://agriculture.gouv.fr/ecoantibio.

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Le projet Thiellal est mis en œuvre dans 4 communes (soit environ 170 villages pour une population d'environ 75 000 habitants) du département de Vélingara, région de Kolda : https://www.avsf.org/fr/posts/2511/full/thiellal-une-seule-sante-rendre-concret-le-concept-one-health-dans-les-territoires-de-haute-casamance-au-senegal.

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Projet européen NEOH (Network for evaluation of One Health, 2014-2018) : https://neoh.onehealthglobal.net.

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Projet européen Sonar-Global (Mobilizing social sciences against infectious threats, 2019-2022) : https://www.sonar-global.eu/.

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Groupe d'experts de haut niveau One Health : https://www.who.int/news/item/11-06-2021-26-international-experts-to-kickstart-the-joint-fao-oie-unep-who-one-health-high-level-expert-panel-(ohhlep).

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Par exemple, avec les dispositifs des Laboratoires mixtes internationaux (LMI) ou des IRN/GDRI-Sud (International Research Network South/Groupement de recherche international Sud) : https://www.ird.fr/laboratoires-mixtes-internationaux-lmi ; https://www.ird.fr/groupement-de-recherche-international-sud-gdri-sud.

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https://www.pasteur.fr/fr/institut-pasteur/dans-le-monde/reseau-international-instituts-pasteur.

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https://www.cirad.fr/espace-presse/communiques-de-presse/2021/prezode-prevenir-pandemies.

Références

Citation de l’article : Olive M.-M., Angot J.-L., Binot A., Desclaux A., Dombreval L., Lefrançois T., Lury A., Paul M., Peyre M., Simard F., Weinbach J., Roger F. Les approches One Health pour faire face aux émergences: un nécessaire dialogue État-sciences-sociétés. Nat. Sci. Soc. 30, 1, 72-81.