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Actualités

Conditions de bientraitance des animaux lors des abattages rituels

L’Académie vétérinaire de France observant :

  • que les procédures qui participent à l’abattage des animaux de boucherie et des volailles constituent des facteurs d’agression générant stress et potentiellement douleur selon les modalités d’exécution ;
  • que dans l’état actuel de la psycho-physiologie des états de conscience, aucun paramètre clinique biologique ou électrophysiologique ne permet d’apprécier de manière certaine le moment précis de la perte de la sensibilité consciente ;

constatant 

  • que la pratique, sans étourdissement préalable, des abattages rituels, est considérée comme incluse dans le droit de libre exercice religieux, garanti par les textes nationaux et européens ;
  • qu’elle n’en demeure pas moins un sujet d’autant plus sensible que sa mise en œuvre, qui ne saurait méconnaître d’éventuelles inégalités de réponse à la pratique de la jugulation selon la qualité de l’exécution et selon les espèces animales, fait l’objet des réticences des associations de protection animale ;
  • que cette pratique, techniquement exigeante, implique une formation et un matériel adaptés ;
  • que, par ailleurs, la désignation d’un délégué à la bientraitance des animaux est prévue, dans chaque abattoir, par la nouvelle réglementation européenne, adoptée le 22 juin 2009 ;

recommande :

  • que la formation et l’exercice des sacrificateurs soient définis par les pouvoirs publics, en relation avec les responsables des cultes, les responsables d’abattoir, les vétérinaires opérant en abattoir et les représentants qualifiés de la protection animale ;
  • qu’afin de respecter les normes sanitaires et la sensibilité de la Société à l’égard de la souffrance animale, les abattages rituels destinés à la consommation intérieure ou à l'exportation ne soient pratiqués que par des sacrificateurs certifiés œuvrant au sein d’abattoirs agréés, dont le délégué à la bientraitance des animaux assure une surveillance efficace des procédures d’abattage ;
  • que lors de la rédaction des procédures concernant les abattages rituels, le délégué à la bientraitance des animaux spécifie que les animaux ne soient accrochés à la chaîne qu'en état clinique défini par la procédure comme évocateur de l'inconscience et que soient étourdis mécaniquement, en préalable à l'accrochage, ceux pour lesquels cet état n'a pas été obtenu dans le délai retenu par la procédure et dont l’absence aura été vérifiée par un ou plusieurs critères préalablement validés ou par un test standardisé.

Avis adopté lors de la séance du 15 octobre 2009.

Réflexion conduite dans le cadre des travaux prolongeant les rencontres "Animal-Société" et de celui de l’application du règlement européen 9731/09  "La protection des animaux au moment de la mise à mort", adoptée par le conseil des ministres de l'U.E. du 22 juin 2009.

 

Note de présentation

de l'avis de l'AVF sur les conditions de bientraitance des animaux lors des abattages rituels

Dans le cadre de sa réflexion générale sur les relations homme-animaux l'Académie vétérinaire de France s’est régulièrement intéressée aux dispositions règlementaires relatives à l'abattage, non seulement à l'égard de l'activité sanitaire des vétérinaires mais aussi en ce qui concerne les procédures appliquées aux animaux depuis leur réception jusqu'à l'issue de leur première transformation.

Ainsi en 2008, elle s'est penchée sur la question de l'abattage rituel pratiqué par les deux religions pour lesquelles une dérogation est faite à l'obligation d'un étourdissement préalable à la mise à mort (Bulletin de l’Académie Vétérinaire de France, 2008, Tome 161, N°4 **).

Lors des Rencontres Animal et Société, cette question a fait l'objet d'un débat dont les principaux protagonistes ont été les représentants des cultes, opposés à l'obligation de l'étourdissement préalable à la mise à mort, et les responsables des organisations de protection animale. Ce débat a exprimé des positions fortement établies et n’a abouti qu’au maintien d’un statu quo jugé non satisfaisant par les deux parties. De ce fait une analyse plus approfondie et visant un consensus est apparue nécessaire aux membres de l’Académie présents à ce débat ou ayant eu connaissance de sa nature.

Parallèlement, sans relation directe avec le débat national, mais dans le même temps, la Commission Européenne parvenait au terme d'un travail de révision de la "Directive abattage", à la publication du règlement européen 9731/09 "La protection des animaux au moment de la mise à mort", adopté par le Conseil des Ministres de l’U.E. du 22 juin 2009, après avoir été soumis au Parlement Européen. Cette nouvelle réglementation stipule dans son article 14, que les abattoirs ont l'obligation d'engager un intervenant chargé de veiller au bien être animal, c'est-à-dire à la mise en place et à la bonne exécution des mesures de bientraitance.

Tenant compte de ces faits, la réflexion de la Commission permanente "Relations Homme-Animaux", conduite en relation avec la Section Santé Publique Vétérinaire-Productions Animales, a abouti aux lignes directrices suivantes :

  • il y a, dans les procédures auxquelles sont soumis les animaux aux différents postes de travail, des facteurs qui peuvent produire stress et douleur et qui sont, de ce fait, contraires à leur bien-être ;
  • l'AVF, à l’image de la plus grande partie de la Société française, se soucie du bien-être des animaux dans tous les domaines de leur utilisation par l’homme; ses compétences scientifiques et techniques lui font un devoir de s'exprimer sur les mesures techniques de bientraitance à instituer et promouvoir en ces domaines ;
  • des motifs d'ordre religieux, ou de respect des traditions, ont conduit les rédacteurs du projet de règlement européen 9731/09 "La protection des animaux au moment de la mise à mort" à déroger à l'obligation d'étourdissement, sans proposer de mesures particulières permettant de pallier les éventuelles réactions de stress et de douleur induites lors des abattages rituels ou effectués dans le cadre de certaines traditions ;
  • en l’absence de données scientifiquement établies concernant la perte de sensibilité consciente, l’AVF se fixe comme terrain d’action les mesures réglementaires et les procédures visant à limiter le stress et la douleur chez les animaux abattus sans étourdissement préalable ;
  • dans cette étroite marge de manœuvre, les seules possibilités d'améliorer les conditions de bientraitance des animaux résident dans l'organisation matérielle des abattages et la formation des intervenants, mesures dont la seule garantie d’efficacité réside dans un encadrement administratif strict, avec une attention particulière :
    • au rôle clé de l’ "Animal welfare officer" ***, chargé de la rédaction, du suivi de l’application, et de la modification des procédures d’abattages tel qu’il est prévu dans le règlement européen 9731/09  "La protection des animaux au moment de la mise à mort",
    • ainsi qu’ au rythme de travail dans les établissements industriels que sont les abattoirs ; le maintien de ce rythme à un niveau trop élevé peut conduire certains opérateurs à ne pas tenir compte des spécifications réglementaires ; pour cette raison l'AVF rappelle que la rédaction des procédures doit inclure l’interdiction de transférer, hors du poste de saignée, les animaux dont l'état ne correspond pas à celui défini dans la procédure ; de même, ceux dont l'agonie se poursuivrait de manière excessive doivent faire l'objet d'un étourdissement mécanique.


 * "Rapport au Ministre de l’Agriculture et de la Pêche sur le degré de réversibilité de l’étourdissement des animaux d’abattoir tel qu’il est pratiqué en France" Adopté le 23 novembre 2006 Avis de l’AVF sur "le degré de réversibilité de l’étourdissement des animaux destinés à la consommation humaine" adopté le 23 novembre 2006
Avis sur "l'abattage technique des porcs non commercialisables" adopté le 21 mars 2008


**Les prescriptions religieuses de l’Islam et la consommation des chairs animales : portée hygiénique et sanitaire, par A. Benelmouffok.

• Les lois alimentaires juives (cacherout), par B. Fiszon.
• La réglementation applicable dans le domaine de l’abattage rituel, par P. Dunoyer.


***"Animal welfare officer" : pour traduire cette expression anglaise, l’AVF propose "délégué à la bientraitance des animaux" afin, 1/ de respecter le statut juridique de la personne agissant parallèlement aux responsabilités propres au "business operator" et qui, a priori, ne pourrait être responsable, au sens pénal des éventuelles manquement à la bientraitance des animaux ; 2/ de souligner par l’usage du mot bientraitance le caractère opératoire du rôle de la personne en charge de procédures techniques visant le bien être des animaux.